L’image de la Silicon Valley a tendance à lentement se dégrader. La vision idyllique de jeunes personnes, inventant sans cesse de nouvelles choses dans une atmosphère décontractée ou tout le monde est le collaborateur de l’autre, prend l’eau. Après les nombreux cas de harcèlement, de conditions de travail pas très nettes, voici un superbe exemple d’escroquerie. Elle concerne Elizabeth Holmes, qui passe du statut de star montante de la Silicon Valley, à escroc de haut vol.
Mme Holmes, 34 ans, ainsi que son ancien bras droit Ramesh Balwani, 53 ans, prétendaient révolutionner les analyses sanguines avec sa start-up Theranos. Il était question de diagnostics plus rapides et surtout moins chers que ceux des laboratoires traditionnels, grâce à des méthodes permettant jusqu’à 200 analyses avec une toute petite quantité de sang. Hélas, les choses ne se sont pas vraiment passées comme elles le devaient. Au fur et à mesure, des problèmes de plus en plus récurrents de fiabilité, ont limité le nombre de tests. Certains se sont avérés inexacts, réclamant d’être vérifiés et l’ensemble de la procédure est devenue plus lente.
Cependant, les deux protagonistes se sont bien gardés d’avouer leurs difficultés. Il a fallu des enquêtes menées notamment par le Wall Street Journal pour amener le ministère de la Santé à se saisir de l’affaire. L’escroquerie est évaluée à “plusieurs millions de dollars”. Mme Holmes et M. Balwani risquent jusqu’à 20 ans de prison et de très lourdes amendes. En effet, l’acte d’accusation, précise que des centaines de patients, ou leurs assurances ont payé des tests sanguins, parfois après que des médecins, trompés eux aussi, leur eurent recommandé Theranos, basée à Palo Alto, en plein cœur de la Silicon Valley.
Plus grave, les autorités fédérales expliquent “de plus, ils ont délivré aux médecins et aux patients des résultats de tests qui étaient inexacts“. Elles ajoutent qu’une grande partie des tests était réalisée grâce à d’autres systèmes disponibles dans le commerce.
Comme souvent, aux Etats-Unis, tout se règle autour de gros chèques. Le gendarme de la Bourse américaine, la SEC, ayant évalué que Mme Holmes, avait réussi à lever 700 millions de dollars, en exagérant ou en mentant sur leur produit et leurs prévisions financières. Au terme d’un accord à l’amiable, Mme Holmes s’engageait notamment à payer une amende de 500 000 dollars et à céder le contrôle financier de l’entreprise. Cependant, ceci n’a réglé que le volet purement financier du dossier, mais pas les poursuites pénales qui restent à venir.
La dégringolade d’Elizabeth Holmes, est d’autant plus marquante qu’elle part de haut. Elle fut comparée à Steve Jobs, avec lequel elle partage le goût des pulls noirs à col roulé. Elle faisait partie en 2015 de la liste des 100 personnalités les plus influentes du magazine Time. Sa fortune était en 2014, évaluée à 3,6 milliards de dollars par Forbes, faisant d’elle, la plus jeune milliardaire n’ayant pas hérité de sa fortune. Elle est maintenant sur le banc des accusés.
Il reste, que selon John Carreyrou, qui avait révélé le scandale dans le Wall Street Journal, Elizabeth Holmes tenterait de nouveau de séduire des investisseurs pour monter une nouvelle société. Il a déclaré à l’occasion de cette affaire, “je pense qu’elle a des tendances sociopathes. Parmi ces tendances, il y a le mensonge pathologique“.
On peut imaginer qu’elle n’est pas la seule, pourtant cela ne semble pas refroidir les investisseurs, qui voient dans la multitude de start-ups de la Silicon Valley, qui se présentent toutes comme révolutionnaires, la possibilité de faire le “coup du siècle”.
Crédit photo : Mishal Ahmed