En politique et en matière de pouvoir, c’est comme partout la nature a horreur du vide. En Algérie, le départ d’un homme fort comme le président Bouteflika engendre l’émergence d’un autre en la personne du vice-ministre de la Défense et chef d’état-major de l’armée, le général Gaïd Salah. C’est lui, qui a provoqué concrètement la chute du premier en lui refusant son soutien. Cependant, il pourrait maintenant briguer le devant de la scène, nombreux sont ceux qui retiennent leur souffle, car la suite apparaît bien indécise.
Tout d’abord, il faut cerner le personnage, Ahmed Gaïd Salah n’est pas un petit nouveau, il est né en janvier 1940 dans la région de Batna. Il rejoint le maquis à l’âge de 17 ans, et ce statut d’ancien moudjahid, va lui permettre une belle ascension dans la hiérarchie militaire. Elle s’effectue après avoir étudié au sein de l’académie militaire d’artillerie soviétique de Vystrel, dans la banlieue de Moscou. Il avait été nommé en 1994, chef d’état-major des forces terrestres, avant de se retrouver propulsé par Bouteflika, à la tête de l’état-major de l’armée, et ce, depuis près de quinze ans.
Une place de choix, pour placer ses pions et manœuvrer en sous-mains. Il utilise presque un quart du budget de l’État pour moderniser l’armée nationale populaire durant la menace djihadiste à nos frontières avant de devenir vice-ministre de la Défense. A ce poste, il a pu attendre que la situation se dégrade à l’intérieur du pays et que l’Union Européenne et la diplomatie américaine, se manifestent pour se positionner et surtout de prendre le contrôle des principaux leviers du pays.
Pour cela, il profite de la colère générale contre la corruption qui a valu à plusieurs personnalités du monde des affaires d’être subitement placées sous interdiction de sortie du territoire national (ISTN) et surtout les cibles désignées de la vindicte populaire. De nombreux remaniements ont aussi lieu dans d’autres services et notamment au sein des très influents services de sécurité et de renseignements.
Si en interne, Gaïd Salah a tous les atouts pour mener sa barque, il lui sera cependant difficile d’effacer complètement le passé, vis-à-vis du peuple. Difficile de faire oublier de nombreuses menaces de répressions à propos des marches et de la contestation organisées. Il a rappelé à maintes reprises que l’armée demeurerait “la garante” de la stabilité face à ceux “qui veulent ramener l’Algérie aux années de guerre civile”. Il s’inscrit dans une vieille tradition en Algérie, qui veut que l’armée ne se contente pas de rester dans les casernes, mais intervienne dans la direction politique du pays.
Sous couvert d’une énième lutte contre des oligarques coupables de corruption, une lutte qui s’arrête souvent quand les grades militaires apparaissent, Gaïd Salah pourrait tout simplement prendre la place de Bouteflika. Cela ne donnerait pas lieu à une véritable remise à plat des pratiques qui poussent un homme ou un clan à régner indéfiniment et sans partage à la tête de l’État au lieu de s’appuyer sur un pouvoir fort de sa constitution et de ses lois pour tous.
Crédit photo : walid amghar