Les histoires d’héritage, ne sont jamais vraiment évidentes, surtout lorsque les enjeux financiers ou autres sont importants. Alors vous imaginez, lorsque ceux qui réclament sont les héritiers de la couronne d’un pays. C’est ce qui se passe en Allemagne, car le prince Georges-Frédéric de Prusse, chef de la maison impériale des Hohenzollern, demande notamment un droit de résidence dans le célèbre château de Cecilienhof à Potsdam.
Apparemment, le prince est vraiment décidé. Dans une interview, il a confirmé sa ferme intention de réclamer des châteaux et des œuvres d’art confisqués après la Seconde Guerre mondiale. Cette attitude et ses revendications ne sont pas vraiment nouvelles, cependant, elles prennent une tournure plus concrète et surtout plus médiatique. En effet, les tractations entre les représentants de la famille Hohenzollern et les fondations culturelles qui gèrent les biens en question, durent depuis des années. L’idée était d’arriver à un compromis à l’amiable et raisonnable. Cependant, il semble que ce ne soit plus la tendance et les tribunaux devront trancher. A ce sujet, Georges-Frédéric de Prusse, a déjà essayé de récupérer sans succès un château au bord du Rhin. Il a perdu son procès, les temps sont durs pour les ex-monarques.
Le prince Georges-Frédéric de Prusse, est le chef de la maison impériale des Hohenzollern. Cette immense dynastie, a marqué un millénaire de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe. Cette famille, a occupé différents trônes, notamment celui de Prusse et celui d’Empereur d’Allemagne jusqu’à l’abdication de Guillaume II en 1918. Un accord fut scellé en 1926 avec l’Etat allemand, afin de régler la répartition des biens impériaux. Cet accord octroyait à la famille un droit de résidence dans 39 châteaux et la propriété sur leur contenu. Cependant, avec l’avènement à l’Est de la RDA communiste, l’accord fut annulé et tous les biens de la famille confisqués.
Concrètement, la demande actuelle de la famille du dernier Kaiser, se constitue d’un droit de résidence notamment dans le célèbre château de Cecilienhof à Potsdam, ainsi que des milliers d’œuvres d’art et plus d’un million d’euros à titre de compensation. Les Hohenzollern, veulent récupérer leurs biens devenus d’abord propriété de la RDA en 1949, puis de l’Etat allemand après la réunification en 1990. Cette affaire réveille un conflit de mémoire autour de l’attitude des Hohenzollern après l’arrivée des nazis au pouvoir. Selon une loi de 1994, toutes les personnes ayant été expropriées par l’Union soviétique, ont le droit de revendiquer une indemnisation, seulement si “elles n’ont pas soutenu le régime nazi“.
Tout ceci, n’est évidemment pas du goût de tout le monde. En premier lieu, la fondation publique qui gère l’essentiel du patrimoine de l’ancienne Prusse, les Länder de Brandebourg et de Berlin. Christian Görke, le ministre des Finances du Brandebourg, est catégorique “les Hohenzollern se sont marginalisés avec leurs revendications inacceptables”.
C’est surtout la proximité de la famille royale avec le régime nazi qui est mis en avant par les opposants à cette restitution. Les relations entre Kronprinz (le prince héritier, arrière-grand-père de Georges-Frédéric) avec le nazisme, font l’objet de débats entre les historiens. L’historien Stephan Malinowski, explique “bien qu’il n’ait jamais été membre du parti, en 1932, le Kronprinz appelle à voter pour Hitler lors de l’élection présidentielle“.
En toile de fond de tout cela, il est aussi question en Allemagne d’un débat historique et clivant toujours un peu délicat. Il concerne la place à donner au passé prussien national, dans l’histoire commune du pays.
Crédit photo : sandra ahn